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Chemins de traverses
16 juin 2016

Réflexions 6 - REFORME OU REVOLUTION

ErasmeELe débat concernant le libre arbitre opposa en son temps le moine Luther et l'humaniste Erasme de Rotterdam. Débat vif, houleux et passionnant mais dont la plupart des arguments sont aujourd'hui dépassés. Ce n'est donc pas le libre arbitre qui m'amène à parler d'eux dans cet article, mais plutôt de la différence qui existe entre un révolutionnaire et un réformiste.

Les deux souhaitent changer la société. Le premier cependant souhaite que ce changement soit total, et considère qu'il ne peut avoir avoir lieu qu'en détruisant totalement la société existante. Le second considère qu'une telle attitude engendrerait des violences qui deviendraient vite incontrôlables, et souhaite opérer par petites touches, dans le stricte cadre de la légalité. 

Au XVIième siècle, Luther, comme Erasme considèrent que l'Eglise est corrompue, que ses ministres sont indignes, et que le Pape est bien loin des préoccupation évangéliques qui devraient être les siennes. Luther choisit l'affrontement... Il considère qu'il n'y a rien à attendre de la part de gens malhonnêtes et qu'il est temps de renverser la table. L'affichage publique de ses 95 thèses contre les indulgences est une véritable déclaration de guerre à la papauté dans la mesure où elle entend dissuader le petit peuple de payer pour s'assurer une place au Paradis. Or, Rome a besoin de cet argent afin de financer la construction de la basilique St Pierre.

Erasme est sans doute d'accord sur ce point avec Luther, mais il ne le dira pas ainsi. Il préfère écrire et se moquer gentiment des ministres incapables ou prévaricateurs. Proposer des réformes censées renforcer à terme, la foi des croyants et l'influence de l'Eglise qu'il souhaite voir redevenir vertueuse. Il voit, il comprend rapidement les désastres humains que risque d'engendrer un affrontement avec l'Eglise de Rome. Il veut à tout pris éviter un schisme... 

Qui a raison ? 

Sur le plan moral, c'est Luther. La corruption existe, et elle est telle que des réformettes ne permettront pas de lutter contre elle. Les indulgences sont indéfendables d'un point de vue théologique. Et le tremblement de terre qui aura bientôt lieu à cause du moine forcera l'Eglise à engager une contre réforme qui lui rendra un peu de dignité. Erasme lui-même qui s'opposait à la violence sera désavoué finalement par cette église qui ne supportera pas longtemps ses leçons de vertu. 

Mais sur le plan pratique, ou humain, c'est bien Erasme qui est dans le vrai. Parce que le schisme aura finalement lieu. Et qu'il entraînera d'abord une guerre des paysans menée par des plus extrémistes que Luther, puis la naissance du protestantisme et avec lui des années de guerre de religions qui feront des millions de morts à travers l'Europe. Luther pour finir, sera trahi par ses successeurs, et Calvin se comportera avec lui comme St Paul avec le Christ, fondant une église dont les règles seront sans doute plus dures encore que celle de l'Eglise qui effrayait Luther. 

Comparaison n'est pas raison, certes. Mais c'est un peu le drame que nous vivons aujourd'hui à propos du débat concernant la loi travail. Une mauvaise loi pour les salariés que les syndicats « révolutionnaires » ont bien raison de dénoncer et de combattre. Mais face à un gouvernement intransigeant, ils ne peuvent entraîner le pays que dans une forme de radicalisation qui risque d'échapper à tout le monde.

En face, les syndicats réformistes prétendent pouvoir éviter le pire en acceptant une partie de la loi et en obtenant quelques modifications. Mais cela équivaut qu'on le veuille ou non à accepter une forme d'injustice intolérable, et à précariser encore un peu plus les salariés de notre pays. 

D'un côté le camp de la justice à tout prix, de l'autre celui du pragmatisme et de la négociation.

Luther dirait qu'on ne négocie pas avec le Diable.

Erasme répondrait que le Paradis étant pour l'instant inaccessible, mieux vaut s'assurer le purgatoire et tenter d'éviter l'enfer.

Et vous, qu'en pensez vous ? 

Quoiqu'il en soit, l'Histoire des hommes et celle des idées me semblent également un chemin de traverse intéressant pour philosopher.

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