Réflexions 5 - LIBRES...COMME DES PIONS SUR UN ECHIQUIER
La question du libre arbitre pose nécessairement celle de l'existence de Dieu. Mais lequel ? Le Dieu chrétien qui nous aurait créé libre, par amour (mais qui n'hésitera pas à nous punir si notre existence n'est pas conforme à ses commandements), ou le Dieu de l'Islam qui nous veut totalement soumis à sa Loi, bien que pouvant lui désobéir et par conséquent préférer l'Enfer au Paradis. Si l'on y réfléchit bien, cela n'a aucun sens. La liberté ne serait dans ce cas qu'une tentation... Or, les théologies chrétiennes comme musulmanes affirment que Dieu veut notre bien, et qu'il ne saurait nous tenter ainsi. Le tentateur, c'est le Diable... Donc, si Dieu veut notre bien, et qu'il nous a fait libre, cette liberté ne saurait en aucun cas nous conduire à l'Enfer. Mais si nous sommes libre, alors Dieu n'est plus tout puissant, puisque dans ce cas, il n'a plus d'influence sur nous.
Les religions monothéistes ont donc inventé le concept d'un libre arbitre qui n'en est pas un, puisque si nous nous écartons de leurs doctrines, nous sommes condamnés à la géhenne éternelle. Ce qui fait hurler Nietzsche d'indignation : « Le christianisme est une métaphysique de bourreau », le libre arbitre serait « le plus suspect des tours de passe-passe des théologiens, aux fins de rendre l'humanité « responsable », au sens où ils l'entendent, c'est-à-dire de la rendre plus dépendante des théologiens » (Crépuscule des idoles).
Déterminisme, donc. Nous serions malgré nous des marionnettes agissant en fonction de notre nature propre, de notre éducation, de notre milieu social, et des événements qui se présentent à nous, sans autre choix que celui d'accepter ce qui nous arrive. Et Nietzsche, toujours nous propose d'aimer cette acceptation (Amor Fati). Oui, mais alors... Si notre propre nature, ou notre éducation, nous amène justement à ne pas aimer cette acceptation ? Quelle part de choix nous reste-t-il ? La vie n'est-elle pas une sinistre absurdité ? Voudrait-on sortir de ce cercle infernal en mettant fin à nos jours que cela serait impossible sans avoir été doté d'une nature propre capable de se suicider.
Faut-il en croire le poète, mathématicien, et philosophe Omar Khayyâm qui écrivait :
Le Ciel est le joueur, et nous, rien que des pions.
C'est la réalité, non un effet de style.
Sur l'échiquier du monde Il nous place et déplace
Puis nous lâche soudain dans le puits du néant.
Quoiqu'il en soit, libre arbitre ou pas, nous sommes visiblement soumis à des forces qui nous dépassent, quelque soit le nom que nous souhaitons leur donner, Dieu, Destin, Cosmos, Nature, etc.
Mais le débat est important dans la mesure ou dans l'optique du libre arbitre, nous sommes responsables de nos actions, et coupables de nos erreurs, donc condamnable. Dans celui du déterminisme, nous ne sommes ni responsables, ni coupables de rien du tout. Condamner alors un homme pour ses actes serait alors une injustice. Voilà qui interpelle...
En attendant, pourquoi ne pas suivre les conseils d'Omar, et chercher nos vérités dans la poésie qui après tout (mais nous y reviendrons) est un chemin de traverse des plus agréable.
J'entends dire que les amants du vin seront damnés.
Il n'y a pas de vérités, mais il y a des mensonges évidents.
Si les amants du vin et de l'amour vont en Enfer,
alors, le Paradis est nécessairement vide.